Coeur avec les doigts pour nos projets de papier!

Notre journal peut parler d’actualité. Certes. Mais c’est une formidable occasion de revenir sur les projets de papier. Nous nommons ainsi les projets qui resteront dans les cartons : projets abandonnés, ajournés et projets perdus.

Valneuve a été un concours très intense, pour lequel l’agence s’est consacrée à 100% pendant plusieurs semaines. C’est un projet de papier. Il s’agit de l’extension d’un hôpital de jour pour adolescents autistes lourdement handicapés. La visite de l’actuel hôpital Salneuve avait été très émouvante. Autant par la rencontre de ces jeunes si lourdement atteints que par la découverte des équipes et de l’organisation prenant en charge les patients et soulageant ainsi les famille quelques heures par semaines.

Le programme de l’hôpital de jour de Valneuve situé à Aubervilliers (93) est un projet  envisagé comme un projet compact:

-        en effet les dimensions doivent être pensées à une échelle quasi-domestique

-        chaque service, chaque espace est en relation avec l’environnement général du lieu: au sein de l’hôpital créé, tout comme au coeur de la parcelle et en dialogue avec l’hôpital pour enfants existant

La personne atteinte d’autisme sévère, le plus souvent, n’a pas de perception de son image corporelle et ne distingue pas le dedans du dehors.
— Programme du concours

A cette problématique doit répondre un espace perceptible.  L’idée première est de proposer un cadre fort, marquant, intégré dans la parcelle, le quartier, la ville. Mais une fois la porte ouverte, un univers  doux, accueillant, familier se déploie. Les espaces intérieurs sont dotés de couleurs chaleureuses, joyeuses, marquant ainsi une différenciation forte entre la ville, le quartier, la rue (blanche, grise, monotone) et le dedans coloré , traité en espace circonscrit. Les sens sont envisagés ici comme excitants: il faut donc apaiser chaque sens: vue, ouïe, toucher, goût, odorat.

Le projet s’inscrit dans le respect des prescriptions émises par l’étude urbanistique de la zone: respect du quartier, respect du lieu, respect des avoisinants. L’analyse du quartier  définit des axes, des percées et la rotule urbaine située à l’angle de l’allée Charles Grosperrin et la nouvelle voie crée.

La conception architecturale est pensée comme un façonnage.  Façonnage d’un volume parallélépipédique simple, posé sur l’emprise constructible, basé sur un parallélogramme en R+2..

Une première « contrainte » impacte le volume, en créant un recul  de 4m dès le R+1  le long de la façade Nord.  (1)

Une faille vient alors couper le bâtiment, pour faire pénétrer  une lumière verticale douce et diffuse.  (2)

Le bâtiment ainsi scindé en 2 est géré par des volumes alors « indépendants ». Le volume Sud se rapproche de l’immeuble de Salneuve, affichant sa proximité, tandis que le bloc Nord s’émancipe vers le jardin nouvellement créé.  (3)

La façade Sud reste donc lisse et monolithique, longeant l’allée Charles Grosperrin, accueillant l’entrée de l’établissement, marquée par une couleur distincte. La façade est protectrice, simple et minimaliste, rythmée par les ouvertures cadrées de chaque salle. (4)

Vue depuis la future voie nouvelle, un jeu de volumes successifs apparaît en perspective, indiquant un premier plan, un second puis un troisième.

Valneuve dialogue alors avec Salneuve: la simplicité de l’architecture et la composition en volumes se répondent. L’unité de matière et couleurs  offre une même unité, cohérente, compréhensible dans le nouveau quartier de la ZAC Emile Dubois.

A l’intérieur, un certain nombre de cheminements dans l’immeuble Valneuve sont pensés en chicane: voir sans être vu, dissimuler, contourner et offrir des espaces de repli nous ont semblé être la réponse adéquat aux usages des patients.

Malgré cela une fluidité évidente régit le projet. D’abord par l’escalier linéaire qui dessert les 2 étages. L’accès au sous-sol est alors superposé. La circulation verticale, d’abord introduite par 3 marches en rez-de-chaussée pour ne pas intimider le visiteur, maintient le bâtiment. Telle une dorsale, l’escalier fluidifie les circulations.

Les paliers sont pensés comme de véritables vestibules, zones tampon, pour donner un temps de plus au patient: temps d’adaptation pour entrer dans une salle ou en sortir, temps de rencontre, temps de découverte.

La progression se fait pas à pas.

Chaque homme dans sa nuit s’en va vers la lumière
— Victor Hugo, Les Contemplations

Rez-de-chaussée

1er étage

2ème étage

La déambulation est donc pensée tel un cheminement dans une œuvre monumentale de Richard Serra: en contournant, en suivant les murs, et découvrant les espaces.

Tel l’urbanisme vénitien qui passe de la « calle » (ruelle) à la « piazza » (place), le trajet est ponctué d’espaces contraints et de dilatations.

La fluidité est traduite architecturalement par les  circulations, les passages, particulièrement la liaison couverte reliant Salneuve à Valneuve. La fonction de trait d’union est ici directe et le passage est droit et court, accompagné par un traitement linéaire de la lumière, qui accompagne le trajet.

Axonométrie du projet

Certes nous avons perdu ce beau projet… mais nous gardons un souvenir ému de ces moments de conception.

Précédent
Précédent

15 ans!

Suivant
Suivant

Photos de chantier